Airbus bien armé face à la menace des droits de douane

Publié le 11 avril 2025

Airbus s'apprête à subir les droits de douanes imposés par les États-Unis. Mais son carnet de commande et sa chaîne d'assemblage américaine semblent mettre l'avionneur européen en meilleure posture que Boeing pour faire face à la situation.

La chaîne logistique et la production d'Airbus sont totalement mondialisées.
La chaîne logistique et la production d'Airbus sont totalement mondialisées.
© Clément Gruin

Alors que le monde entier retient son souffle face aux droits de douane imposés à tour de bras par le président américain Donald Trump, une entreprise semble avoir les reins plus solides que les autres. Il faut dire qu'Airbus a l'habitude de gérer les barrières douanières avec son réseau international de sous-traitants et ses chaînes d'assemblage réparties sur trois continents.

Mais surtout, ces droits de douanes américains ne sont pas une première pour Airbus. L'avionneur européen avait déjà été pris pour cible par Donald Trump en 2019, qui avait imposé des droits à hauteur de 15 % dans le but de favoriser Boeing, en difficulté avec la crise du Boeing 737 MAX. La stratégie a fait long-feu : Boeing a perdu le marché chinois et a vu son meilleur client, Ryanair, suspendre ses commandes. Cette mesure avait finalement bénéficié à Airbus, avant que Joe Biden ne lève ces tariffs en 2021.

En 2025, l'avionneur européen semble être l'entreprise la mieux armée pour faire face à cette crise, alors que le monde entier s'interroge sur les moyens de réagir à ces décisions, décrites par le Financial Times comme « l'un des plus grands actes d'automutilation de l'histoire économique américaine ».

Les sanctions contre Airbus impactent les Américains

Cette balle dans le pied de l'économie américaine est particulièrement vraie dans le cas d'Airbus, qui a développé son activité aux États-Unis au cours de la dernière décennie. Depuis 2015, la plupart des appareils de la famille A320 destinés au marché américain sont assemblés à Mobile (Alabama) pour lutter contre les mesures protectionnistes bénéficiant à Boeing. Lorsque des taxes douanières ont été imposées à Bombardier après la commande ferme de 75 CS100 par Delta en 2016, Airbus a racheté le produit à l'avionneur canadien et élargi sa chaîne d'assemblage alabamienne pour accueillir l'avion rebaptisé A220.

Airbus fait aujourd'hui partie des plus gros employeurs de la ville de Mobile. Mais les 2 200 salariés de l'Airbus U.S. Manufacturing Facility ne sont pas les seuls Américains à vivre de l'industriel européen, qui travaille avec de nombreux sous-traitants dans le pays. Selon l'entreprise, ses 2 000 fournisseurs américains représentent 275 000 emplois indirects à travers 40 états.

Les importations des pièces nécessaires pour l'assemblage des appareils à Mobile vont subir ces taxes. Selon les analystes du secteur, cela entraînerait un surcoût de 4 à 6 millions de dollars pour chaque A320 assemblé dans l'Alabama.

« Les droits de douane vont avoir des effets négatifs car le secteur aéronautique est mondialisé, avec une chaîne logistique globalisée et très intégrée qui est en train d'accélérer », expose le directeur financier d'Airbus, Thomas Toepfer. Et cela concerne aussi Boeing, qui est le premier client à l'export des sous-traitants français de l'industrie aéronautique.

Les clients non-américains priorisés

Au-delà de la chaîne logistique des composants, ces droits de douane vont surtout frapper les compagnies américaines qui achètent des appareils Airbus, en particulier les longs courriers assemblés exclusivement à Toulouse. Delta a déjà fait savoir qu'elle ne comptait pas s'acquitter d'un surcoût de 20 %. « Nous avons une grosse demande du reste du monde, donc si nous avons des difficultés pour servir les États-Unis, nous pouvons nous adapter en avançant les livraisons aux autres clients qui sont impatients de recevoir leurs avions », prévient Guillaume Faury, le PDG d'Airbus.

Airbus a mis en place une chaîne d'assemblage à Mobile (Alabama) pour servir ses clients américains, comme la compagnie ultra-low-cost Spirit Airlines.
Airbus a mis en place une chaîne d'assemblage à Mobile (Alabama) pour servir ses clients américains, comme la compagnie ultra-low-cost Spirit Airlines.
© Clément Gruin

Malgré cela, tout le secteur aéronautique a subi les inquiétudes des salles de marché. Les industriels comme les compagnies aériennes ont vu leurs cours chuter après les annonces de la Maison Blanche, sans attendre les mesures de rétorsion européennes.